Charte de Tous aux abris

Quelques règles de conduite, à l’attention de nos membres et de la chaîne humaine que nous créons autour du vivant

La perte de leur habitat naturel est la première cause d’extinction des espèces*. Or, avant que les humains ne les détruisent pour les remplacer par des matériaux polluants, le choix des animaux ne s’est porté, depuis des millénaires, que sur des habitats biodégradables. Il est donc normal de vouloir leur en reproposer : Nos abris en kit, en bois non traité, seront compostables. Exit le béton de bois.
* https://www.ipbes.net/news/media-release-worsening-worldwide-land-degradation-now-‘critical’-undermining-well-being-32

La construction d’un abri implique la responsabilité du groupe ou de l’individu qui l’a fabriqué, dans l’hébergement et le soin du futur occupant animal. Depuis le matériau utilisé jusqu’au choix de l’emplacement de l’abri, chacun s’engage, face à la venue de possibles prédateurs ou à une mortalité infantile due à l’ensoleillement, face aux variations de température qui peuvent transformer un refuge en prison. L’abri ne doit pas être un piège.

Abriter est une démarche dynamique. Si l’habitabilité d’un abri est le but poursuivi, l’amélioration constante du design des abris en est un des moyens, ainsi que leur positionnement, leur orientation, leur couleur, etc. Ceci évolue grâce aux retours d’observation et à une veille documentaire incessante. « Faire société autour du vivant » est la poursuite d’un travail collectif allant dans ce sens.

Un abri = une personne référente. Cela vaut pour les nichoirs, qu’il faut nettoyer chaque hiver, mais aussi pour les mangeoires, à cause de possibles zoonoses, ou pour les abreuvoirs, dont on doit changer l’eau tous les 4 jours, à cause des pontes de moustiques.

On n’introduit pas d’espèce. Par exemple, lorsqu’on a construit une ruche, on peut essayer d’y attirer les abeilles, mais on ne créera pas de concurrence déloyale (avec les pollinisateurs existants) en y insérant un essaim acheté ou importé d’une ruchette distante. Nos abris sont des propositions d’habitat, dont les espèces locales disposeront – ou pas.

On laisse libre le vivant sauvage. Un hérisson qui revient, parce que le gîte et le couvert lui plaisent, doit néanmoins être libre d’aller et venir dans les jardins avoisinants. La captivité est répréhensible par la loi (Article L415-3 du Code de l’environnement en France : 150 000 € et 3 ans de prison).

Éviter plutôt que tuer (comportement face aux prédateurs, aux espèces invasives…). Par exemple le frelon asiatique : éviter de créer les conditions de sa venue, chercher à ce qu’il ne puisse pas attraper d’abeille, par des procédés dissuasifs, sera toujours mieux que de le piéger pour le tuer. Même le frelon asiatique pollinise…

Penser deux fois, agir une fois. Nombre de nos actes, faits avec les meilleurs intentions, ont des répercussions négatives insoupçonnées sur le vivant sauvage. Espèces invasives, anthropomorphisme (ce qui est bon pour moi sera bon pour lui), nourrissage intempestif risquant propager des maladies, attraction de prédateurs… Essayer d’avoir deux coups d’avance en anticipant les possibles conséquences négatives de ses gestes, donc bien se renseigner avant d’agir !

L’abri est un commun. Accepter qu’un nichoir soit une enclave laissée au vivant dans son jardin, sur son balcon, dans l’espace public, permet de repenser la notion de propriété, de territoire partagé. Cela oblige chaque acteur de la chaîne à se repositionner (achat, design, montage participatif, installation, entretien) dans une offre de service public étendue, et non plus de marché, le « client » final étant ici, par définition, insolvable…

D’abord choix vertueux, puis viabilité économique. Les idées vont et viennent, mais pour construire un projet de transition, il faut d’abord partir d’un choix vertueux puis en maîtriser le circuit. Si une étape de ce circuit privilégie le « prix marché » au détriment de l’empreinte carbone, ou fait courir un risque au vivant, c’est tout le projet qui est remis en cause. La recherche de viabilité économique ne doit donc se construire qu’autour d’un circuit vertueux maîtrisé.

Less is more : écologie = sobriété, économie de moyens. Passer du temps à chercher le plus simple, le plus efficace pour un moindre « coût réel » incluant l’empreinte carbone, c’est une démarche design écoresponsable. Cela vaut pour la conception d’abris ou de flux (d’information, de personnes, de matériaux…).

Maîtriser l’échelle de son action. La notion de biorégion (terroir, bassin versant…) semble la plus adaptée à une action de terrain, depuis la recherche des ressources (bois local) jusqu’au rayon d’action, afin de minimiser l’empreinte carbone. Plutôt que trop agrandir notre territoire, visons la création d’antennes de Tous aux abris dans plusieurs biorégions, utilisant à chaque fois les ressources locales, tout en partageant nos recherches, nos fichiers (plans et documents pédagogiques) en open making, sous licence libre.

Cycle des saisons et temporalités humaines. Entre l’agenda politique, qui donne le coup d’envoi d’une action par son financement, le calendrier scolaire ou universitaire, qui va souvent rythmer cette action, et le cycle des saisons, qui en donnera l’usage possible, il y a trois logiques temporelles distinctes, devant cohabiter en bonne intelligence. Pour rappel : le cycle des saisons n’est pas négociable !